Cabinet indépendant du canton spécialisé dans l'évaluation financière

Tous les articles publiés par l'experte dans la presse

L'expertise immobilière et la protection de la vie privée

Intrusion dans la vie privée

"Excusez-moi, je n'ai pas eu le temps de nettoyer", "Pardon, ce n'est pas rangé": régulièrement, l'expert est confronté à l'angoisse du locataire lors de la visite des lieux en vue d'une estimation immobilière financière.

L'expert ne s'intéresse cependant pas à l'ameublement d'un logement, ni même à son état de propreté car lorsqu'il s'agit d'une location, l'entretien courant est à charge du locataire qui devra assumer une remise en état à la fin du bail.

L'expert vient examiner l'état d'entretien global de l'immeuble et la qualité de ses finitions et équipements, parfois même vérifier la réalité physique d'une construction existant sur le papier. Pour cela, il est souvent obligé de s'introduire dans la vie privée des habitants, mais il tâchera de le faire avec respect et en observant les dispositions de la loi.

Par exemple, les documents nécessaires à la conclusion d'un bail à loyer, comme des données personnelles telles que la fiche de salaire ou une attestation de l'Office des poursuites, ne sont pas communiqués à l'expert qui est informé seulement du contentieux de l'état locatif.

Obligation d'aviser à temps

Le locataire doit autoriser son bailleur à inspecter la chose louée (art. 257h alinéa 2 CO), faute de quoi le bailleur, qui ne peut forcer l'entrée, doit s'adresser au juge. Mais le bailleur doit annoncer sa visite à temps.

Aucun délai n'a été retenu dans la loi mais les conditions du paritaire romand, qui ont force de loi, prévoient un préavis de 5 jours pour la visite des locaux (dispositions paritaires romandes pour habitations, art. 5 al2), à ne pas confondre avec les délais des interventions d'urgence ou de résiliation anticipée qui sont plus courts. Ce délai de 5 jours ne doit cependant pas devenir le prétexte pour le bailleur de ne pas montrer une partie des locaux, ni un abus de droit de la part d'un locataire peu coopérant. Par exemple, le locataire quérulent à cause d'un refus de baisse de loyer ne peut refuser la visite de son logement dûment annoncée, en prétextant qu'il n'a pas pu s'organiser à temps. Dans tous les cas, le bailleur doit tenir compte des intérêts du locataire. Par exemple, ne pas fixer un rendez-vous le matin si le locataire travaille de nuit.

La visite de l'expert est donc en principe annoncée par le bailleur, pour entre autres respecter la vie privée du locataire, et le locataire a l'obligation de tolérer les visites, même s'il s'agit de la troisième ou quatrième expertise. Cela peut être le cas notamment s'il y a un litige, mais aussi lorsque par exemple un fonds de prévoyance examine annuellement ses immeubles dont la valeur doit figurer à son bilan: dans ce cas, la visite pourrait avoir lieu une fois par an.

Communication des observations

Le rapport d'expertise fera mention de l'état de l'immeuble, mais non pas des appartements individuels. Si des dégâts sont à annoncer, le rapport mentionnera l'étage et l'orientation mais ne communiquera pas le nom du locataire.

Par ailleurs, un expert pourra publier les photos des aspects ou des constructions particulières des logements sans qu'il s'agisse de l'illustration de la vie quotidienne des locataires. Si toutefois ces derniers souhaitent que l'on ne prenne pas de photos du tout, l'expert y renonce volontiers.

La sphère privée des locataires est protégée. Les propriétaires sont également protégés dans certains aspects de la propriété et des arrangements - notamment financiers - qui y sont liés.

Protection des données

La "carte d'identité" d'un immeuble (propriétaire, surface, servitudes, hypothèques, etc.) est inscrite au Registre foncier. Ce dernier est public, et celui qui justifie un intérêt a le droit de le consulter (art. 970 CC). Cependant, on ne montre patte blanche qu'avec la procuration du propriétaire ou du mandant dans la procédure de la vente forcée ou, à la rigueur, du créancier majoritaire. Sans cela, les informations des droits et obligations liés à des immeubles, telles que les conditions d'un bail commercial ou le montant de la rente superficiaire pour un droit de superficie, ne peuvent être obtenues.

Idem pour l'Etablissement cantonal d'assurance des bâtiments (ECAB). Cet établissement, qui dispose du volume du bâtiment et de sa valeur d'assurance (à ne pas confondre avec la valeur vénale ou la valeur de marché), ne communiquera ces données qu'à celui qui s'affranchit d'une procuration.

Le peuple du canton de Fribourg a refusé la publication des prix de vente des terrains et des bâtiments, qui tombent par conséquent sous la protection des données. A Fribourg, la Feuille Officielle publie les transferts immobiliers sans le prix, contrairement au canton de Genève où le prix est publié.

Ce voile peut se lever pour des occasions exceptionnelles, notamment dans la procédure de la vente forcée. La valeur vénale et même l'expertise sont publiques pour la période qui s'étend à peu près du dépôt de l'état des charges (inventaire des créances dues) jusqu'à la vente aux enchères.

Confidentialité

Aucun expert ne communique les éléments de son expertise à une autre personne que son mandant, à moins que celui-ci ne l'en ait autorisé. Le verrouillage est tel qu'en cas de contre-expertise judiciaire, le juge intervient auprès du premier expert afin que celui-ci fournisse les indications nécessaires au second.

Si dans le milieu immobilier, comme dans de nombreux autres secteurs, la communication est essentielle, les agents immobiliers savent aussi se taire et dans certains cas y sont juridiquement astreints. Dans les autres cas, les professionnels de la branche ont élevé la confidentialité au rang de l'éthique et de la déontologie. Une violation de ce secret professionnel est passible d'amende et d'emprisonnement.

La Liberté du 19.02.02

phone
linkedin facebook pinterest youtube rss twitter instagram facebook-blank rss-blank linkedin-blank pinterest youtube twitter instagram